Quand une habitante d’un petit village se fait usurper son numéro par une plate-forme de télémarketing…

Quand une habitante d’un petit village se fait usurper son numéro par une plate-forme de télémarketing…

Résidant dans le charmant village de Villegongis (136 habitants dans l’Indre), Joëlle souhaite garder l’anonymat. Et franchement on la comprend : pendant plusieurs jours, elle a subi les appels téléphoniques excédés, voire même des visites physiques devant son domicile de consommateurs tout aussi furieux. Son crime ? Aucun. Juste de s’être fait apparemment usurper son numéro de téléphone fixe par une plate-forme de télémarketing. Car c’est bien son numéro qui apparaissait sur l’écran des téléphones des « victimes » de son voisinage, harcelées jour et nuit, souvent même pour des appels muets. Victimes qui n’ont pas eu trop de difficultés à trouver l’identité et l’adresse de Joëlle par le biais des annuaires inversés.

Usurper ainsi un numéro de téléphone existant est-il possible techniquement ? Y a-t-il des précédents en France ou à l’étranger ? Pourquoi cette histoire tombe-t-elle particulièrement mal dans le contexte actuel ? Comment les projets d’encadrement réglementaire du télémarketing peuvent-ils empêcher ce type de pratiques ?

La rédaction d’, alertée par cet article de la Nouvelle République du Centre paru le 12 octobre a mené l’enquête… En attendant de découvrir nos conclusions, place aux faits.

Le Phone-spoofing débarque en France

Résidant dans le charmant village de Villegongis (136 habitants dans l’Indre), Joëlle souhaite garder l’anonymat. Et franchement on la comprend : pendant plusieurs jours, elle a subi les appels téléphoniques excédés, voire même des visites physiques devant son domicile de consommateurs tout aussi furieux. Son crime ? Aucun. Juste de s’être fait apparemment usurper son numéro de téléphone fixe par une plate-forme de télémarketing. Car c’est bien son numéro qui apparaissait sur l’écran des téléphones des « victimes » de son voisinage, harcelées jour et nuit, souvent même pour des appels muets. Victimes qui n’ont pas eu trop de difficultés à trouver l’identité et l’adresse de Joëlle par le biais des annuaires inversés.

La pauvre Joëlle, qui est une personne fragile, a ainsi reçu jusqu’à 110 appels par jours de consommateurs ulcérés, parfois d’aussi loin que Madagascar, avant que France Telecom, suite à ses demandes insistantes, finisse par l’inscrire sur la liste rouge avec un nouveau numéro. Faute de mieux.

La gendarmerie s’est elle aussi déclarée impuissante… car comme l’a déclaré à la rédaction la voisine de Joëlle : « On va enregistrer une plainte pour un gars qui fait fonctionner sa tondeuse le matin, à huit heures, mais pour ce truc là, on ne peut pas ». Au point qu’elle nous a déclarée, désespérée, accueillir les victimes excédées… avec son fusil.

Une mise en œuvre techniquement à la portée de tous les prestataires 

Joëlle est ainsi la première victime française connue d’un phénomène apparu il y a quelques mois de l’autre côté de l’Atlantique, et qu’on appelle là-bas « le phone-spoofing ». Cette pratique, qui vise à augmenter le taux de décroché en présentant un numéro géographique proche du lieu de résidence du prospect – et à décourager le pistage des entreprises de télémarketing par leur numéro… est désormais très simple à mettre en œuvre.

Techniquement, il suffit de paramétrer l’automate d’appels (appelés « dialers ») pour qu’il numérote automatiquement tous les numéros choisis dans le fichier soumis, ou pris aléatoirement dans un annuaire. Vocalcom, l’un des leaders mondiaux des logiciels de centres d’appels confirme cette possibilité technique, tout en précisant qu’elle ne recommande pas à ses clients de l’utiliser. Et de fait, la majorité des grands spécialistes de télémarketing français se refusent à cette pratique comme le confirme Claude Briqué, président d’ADM Value (3 500 emplois dans ces centres d’appels spécialisés dans la télévente) : « En B to B comme en B to C nous nous refusons à utiliser ce genre de stratagèmes ».

Aucune parade légale

Et en ce qui concerne les prestataires qui se laissent tenter ? Ils courent toujours… car la pratique est légale, bien que condamnée par la déontologie.

A Villegongis, le parquet saisi après enquête de la gendarmerie a décidé de ne pas enregistrer de plainte dans cette affaire comme nous la confirmé le commandant de la gendarmerie d’Issoudun.

Que fait donc le législateur ? On peut croire qu’il y réfléchit, étant donné le débat actuellement en cours au Parlement sur les dispositions du projet de loi sur la consommation relatives au télémarketing. Mais même avec les propositions soutenues par le sénateur Mézard , rien n’empêcherait un éventuel prestataire d’utiliser un numéro qui n’est pas celui de son client pour le faire apparaître au moment de l’appel comme numéro appelant.

Et comme on peut le voir par ailleurs sur ce numéro d’, les dispositions de ce projet de loi s’avèrent de plus en plus indulgentes…